Plusieurs événements récents peuvent donner l’impression que les choses bougent concernant le sud à majorité musulmane, mais ces mouvements restent superficiels.
Entre 1961 et l’accord de «Good Friday» en 1998, le conflit entre nationalistes et unionistes en Irlande du Nord a provoqué la mort de 3.500 personnes lors d’attentats en série et de campagnes féroces de répression, devenant le dossier prioritaire pour tous les Premiers ministres britanniques de cette période. Entre 2004 et 2012, le conflit entre les séparatistes malais musulmans du Sud thaïlandais et l’Etat central a causé la mort de 5.200 victimes de part et d’autre, lors d’embuscades, de décapitations, d’attentats à la bombe ou de raids meurtriers par des paramilitaires sur des mosquées. Si l’on s’en tient à une arithmétique macabre, le conflit du Sud thaïlandais est sept fois plus meurtrier en moyenne annuelle que n’a été celui d’Ulster. Lors d’un récent colloque, Duncan McCargo, professeur à l’université de Leeds et auteur de plusieurs ouvrages sur les trois provinces du sud du royaume, a expliqué que les troubles de Pattani, Yala et Narathiwat constituent le conflit le plus meurtrier à l’heure actuelle après ceux d’Irak et d’Afghanistan. Et pourtant, la situation du Sud profond n’éveille presqu’aucun intérêt international, si ce n’est une visite occasionnelle d’une délégation de l’Organisation du Conseil Islamique (OCI) ou de la Ligue arabe.
Plus incompréhensible encore : elle semble reléguée au dernier rang des préoccupations du gouvernement thaïlandais actuel. Depuis quatorze mois qu’elle a accédé au pouvoir, la cheffe du gouvernement Yingluck Shinawatra ne s’est rendue qu’à deux occasions dans le Sud – les deux fois pour une seule journée. Cette absence de politique gouvernementale sur un problème crucial pour le royaume n’est pas dans la lignée de l’attitude des gouvernements précédents. Tous les gouvernements, depuis le coup d’Etat de septembre 2006, ont tenté, tant bien que mal, de chercher une solution au conflit inextricable qui a enflammé de nouveau, en 2004, les vieilles tensions entre l’Etat central et les populations locales. Le général Surayudh Chulanont, Premier ministre nommé par les putschistes, avait reconnu «l’injustice historique» faite par l’Etat central aux Malais musulmans du Sud et rétabli certains des organes – notamment le Southern Border Provincial Areas Council ou SBPAC – abolis par Thaksin Shinawatra (le Premier ministre renversé par le Coup). Abhisit Vejjajiva, chef du gouvernement de décembre 2008 à juillet 2011, s’était concentré sur le développement économique de la région et sur une meilleure application de la justice. Quant à Yingluck Shinawatra, on serait bien en mal de définir sa politique pour le Sud, au-delà de références à «l’approche adoptée par le roi de Thaïlande» et de la carte blanche laissée à l’armée.
C’est dans ce contexte que sont intervenus, coup sur coup, deux petits événements, au début de septembre. Le 7, l’imprévisible vice-Premier ministre Chalerm Yoobamrung a soudainement lancé l’idée d’instaurer un système électif pour les gouverneurs des trois provinces, dérogeant ainsi au rigide système bureaucratique selon lequel le ministre de l’intérieur désigne les gouverneurs. Trois jours après, 93 «séparatistes» se rendaient lors d’une cérémonie officielle à Narathiwat présidée par le général Udomchai Thammasarorach, ayant découvert que leurs objectifs «étaient trop ambitieux» et manifestant la volonté «d’obtenir un travail et de mener une vie paisible». Ce type de reddition est un processus employé à plusieurs reprises par l’armée dans le passé pour mettre un terme à des insurrections, qu’il s’agisse de la rébellion du Parti communiste thaïlandais éteinte au début des années 80 ou du mouvement séparatiste du Sud.
Outre le fait qu’il porte sur un nombre très limité de personnes dont le rôle dans l’insurrection n’est pas clair, ce processus est purement pragmatique : les insurgés déposent les armes et obtiennent une certaine forme de pardon pour leurs crimes. La question de fond – la revendication politique, identitaire et culturelle des Malais musulmans du Sud, produit de décennies de marginalisation par Bangkok – est ignorée. Pourtant, des propositions existent pour engager un processus de résolution du conflit : statut administratif spécial, décentralisation, reconnaissance des droits culturels, promotion du jawi (la langue locale, issue du malais mais écrite avec l’alphabet arabe) comme langue officielle parallèlement avec le thaï… Un processus qui, certes, est complexe et prendra du temps à aboutir, mais, comme à Belfast, à Atjeh ou à Mindanao, il faut bien commencer quelque part.
La proposition de Chalerm va dans le bon sens, mais elle semble formulée d’une manière improvisée, sans même que les autres membres du gouvernement ou du parti gouvernemental Peua Thai aient été consultés, comme un ballon d’essai lancé sur un coup de tête. En tous les cas, l’élection des gouverneurs n’est pas une recette miracle et ne peut-être, au mieux, qu’un élément d’une réforme plus vaste. Il n’est pas à écarter non plus que les rivalités entre politiciens du Peua Thai et militaires expliquent en partie ces coups d’éclat. Engager un processus pour s’attaquer efficacement au «problème du Sud» nécessite un nouvel état d’esprit de la part des autorités de Bangkok. Celui-ci n’est pas encore apparu.
Max Constant (http://asie-info.fr)
Friday, September 21, 2012
Thursday, September 13, 2012
Chronique de Thaïlande : le passé recréé
Un marché traditionnel de la province de Suphanburi connait un boom touristique, voit l’argent affluer et perd une partie de son âme.
Il y a une quinzaine d’années, il était très agréable de prendre un café traditionnel sur une des tables rondes de marbre de l’échoppe chinoise au bord du fleuve Ta Chin, dans le chef-lieu de district de Sam Chuk, dans la province centrale thaïlandaise de Suphanburi. Cette famille sino-thaïlandaise tient le café depuis plusieurs générations. L’un des oncles torréfie le café lui-même dans un grand fourneau placé sur un ponton flottant sur la Ta Chin. Du café, on pouvait voir un grand pont en bois qui enjambait le fleuve et une charmante grande bâtisse de plain-pied, aussi en bois, qui servait de siège au chef-lieu de district. L’air embaumait des odeurs mentholées de médecine traditionnelle et des vapeurs piquantes de piment rissolé. Il y a environ douze ans, un chef de district a décidé que le pont et la bâtisse de bois étaient désuets, les a fait détruire et a érigé à la place des ouvrages en béton et ciment, devant lesquels il a fait placer une statue en fonte du roi Rama V (règne 1868-1910).
Ces cinq dernières années, je suis retourné très rarement au café chinois. L’une des raisons est que là où l’on voyait autrefois quelques habitués, il y a maintenant une noria serrée de familles, grand-mères et enfants à la traîne, qui occupent l’ensemble des tables. C’est un peu avant cela que les autorités locales ont eu l’idée brillante de mener une campagne marketing sur le thème : le marché séculaire de Sam Chuk (talaat loi pi). La sauce a très vite pris. Le marché traditionnel en bois, jusqu’alors livré aux toiles d’araignées, a été nettoyé. Un musée glorifiant un chef de district chinois, venu des rangs du Kuo Min Tang, a été ouvert. L’Unesco a décerné au district un prix en 2008. Et des foules de touristes sont arrivées de Bangkok et des autres provinces. On y croise même régulièrement des Occidentaux.
Les autorités de Sam Chuk – c’est-à-dire les leaders du district et le comité des commerçants du marché – ont compris que le passé siamois, avec ses chanteurs surannés, sa quiétude pseudo-rurale et sa vaste gamme culinaire, pouvait séduire et rassurer les Thaïlandais des villes, en quête d’un divertissement nostalgique le temps d’un week-end. Et donc pouvait être commercialisé. Mais, une partie de ce passé ayant déjà été détruit car jugé dépassé et non rentable, il fallait le récréer ou du moins créer quelque chose qui puisse être vu par des gens venus de l’extérieur comme étant « le passé authentique de Sam Chuk ». Les ruelles, jusqu’alors couvertes de bitume, ont été pavées de beaux carreaux de carrelage. Une maquette de Sam Chuk a été installée au rez- de-chaussée du musée (on peut y voir l’ancien pont en bois). Un grand portail en bois, portant en thaï et en chinois l’inscription «marché séculaire de Sam Chuk», a été érigé à l’entrée du marché. C’est le lieu favori des visiteurs qui se font prendre en photo.
D’autres innovations plus douteuses sont apparues. Là où se trouvaient le magasin pour les pêcheurs, le marchand de vélos, la vieille échoppe du photographe où trônaient d’antiques appareil Kodak se sont installés des centaines d’étals tenus par des gens des alentours, lesquels vendent des jouets en plastique Made in China, des t-shirts « marché séculaire » et des recréations d’objets artisanaux en bois ou en fer forgé. Un nouveau « Sam Chuk ancien » est inventé pour répondre à la demande des touristes amenés par des flottes d’autocar.
Les bénéfices de cette explosion sont importants. Des milliers d’emplois sont créés. Les paysans qui trimaient dans leur rizière loin du marché ont investi dans ces étals de bibelots qui rapportent des profits hebdomadaires. L’argent coule à flots et les politiciens du district s’offrent de nouvelles limousines. Sam Chuk fait pâlir d’envie les districts aux alentours qui n’ont pas eu la même ingéniosité pour exploiter leur image. Quelque chose, toutefois, est perdu dans l’opération. Une certaine authenticité, bien sûr, mais aussi un naturel et une simplicité, qui ont laissé place à une plus grande agressivité commerciale. La Thaïlande n’est pas la seule à récréer son passé pour satisfaire les touristes. Luang Prabang, Marrakech, Venise ou Tolède sont passés par là. Faut-il s’en plaindre ? Ou peut-être, comme le disait un personnage de Marguerite Yourcenar, faut-il ne pas déplorer ce qui n’est plus, mais se réjouir de ce qui a été ?
Max Constant (http://asie-info.fr)
Saturday, September 08, 2012
Chronique de Thaïlande : les snipers à la barre
Bien qu’énervés, les militaires de Thaïlande se voient obligés d’expliquer leur rôle dans la répression sanglante des manifestations d’avril-mai 2010 à Bangkok.
L’image est peut-être symbolique d’une évolution au sein de la société thaïlandaise quant aux devoirs et responsabilités des forces armées. Le 29 août, deux militaires, qui avaient joué le rôle de tireurs d’élite lors de la répression contre les manifestations des Chemises rouges en avril-mai 2010, sont arrivés, avec l’air penaud de garnements pris en faute, dans les locaux du Département des enquêtes spéciales (DSI) pour apporter leur témoignage dans le cadre de l’enquête sur les 91 personnes tuées pendant cette période. Un clip vidéo où on pouvait voir les deux hommes utiliser un M-16 pourvu d’une lunette de visée durant les manifestations avait été diffusé à maintes reprises les jours précédents. Le couple de snipers avait même eu l’honneur de faire la couverture du Matichon hebdomadaire.
Les obstacles à une véritable responsabilité citoyenne de l’armée thaïlandaise restent toutefois importants. Les propos du chef de l’armée de terre, le général Prayuth Chan-Ocha, après la comparution des tireurs d’élite en témoignent. Le général s’est dit « ennuyé » de cet intérêt subit des médias et de la population pour les faits et gestes des hommes en uniforme. Il a ajouté, dans ce qui pourrait presque ressembler à une menace : « Si les soldats avaient voulu blesser les gens, ils auraient fait feu de la ligne de front et beaucoup seraient morts ». Autrement dit : « Estimez-vous chanceux ! ». Je ne peux m’empêcher de comparer cette tirade aux propos qu’avaient tenus un jeune officier alors que je faisais mes classes dans un régiment près de Paris, lors du service national. Celui-ci avait dit : « Si on vous donnait l’ordre de tirer sur une foule de manifestants désarmés, j’espère qu’en votre âme et conscience vous décideriez de refuser d’obéir ». La France a fait du chemin depuis qu’un jeune Corse désoeuvré du nom de Bonaparte s’est fait un nom en ordonnant aux cannoniers, le 5 octobre 1795, de faire feu sur des manifestants armés de quelques fusils et réfugiés dans l’église Saint Roch.
Les derniers signes que l’on peut voir en Thaïlande sont encourageants : l’armée est mise au pied du mur, poussée à faire face à ses responsabilités. Le public n’avale plus les sempiternelles excuses du « devoir accompli » et de « la protection de la sécurité nationale ». Sans que l’on connaisse les raisons véritables, le Département des enquêtes spéciales mène une campagne acharnée pour faire la lumière sur le rôle des militaires lors des manifestations d’avril-mai 2010. Après les massacres d’octobre 1973, d’octobre 1976 et de mai 1992, les chefs militaires s’en étaient sortis à bon compte et avaient pu passer une retraite paisible en continuant d’occuper des sièges dans les Conseils d’administration de nombreuses grandes entreprises. Jamais une procédure judicaire n’avait été engagée à leur encontre. Cette fois-ci, la ténacité de quelques parents des victimes, comme Phayao Akkahad, la mère d’une aide-soignante tuée le 19 mai 2010, un contexte politique favorable et l’érosion lente de la peur entretenue par les militaires ont débouché sur des progrès notables. Les chefs de l’armée sont désormais obligés de se justifier, de se battre pied à pied pour préserver leur Etat dans l’Etat (contrôle des médias, impunité juridique) sans se rendre compte que celui-ci a déjà commencé à tomber en pièces. Le mythe selon lequel la sécurité nationale et la démocratie – donc la soumission de l’appareil militaire au pouvoir civil – sont incompatibles ne fonctionne plus.
Il faudra encore, toutefois, beaucoup d’efforts pour changer la mentalité des militaires – une mentalité inculquée dans les écoles militaires préparatoires où l’on imprime dans les esprits des jeunes cadets l’idée selon laquelle ils sont les « élus de la Nation » et qu’ils constituent le recours ultime pour « protéger la monarchie ». Pour l’anecdote, les deux snipers ont expliqué, durant leur témoignage au bureau du DSI, qu’ils n’avaient tué personne, car ils s’étaient limités à tirer des balles en caoutchouc.
Max Constant (http://asie-info.fr)
Saturday, September 01, 2012
Chronique de Thaïlande : un bouddhisme prêt à la consommation
Un mouvement bouddhique thaïlandais, qui revendique 100.000 fidèles, séduit les classes moyennes urbaines et transforme le bouddhisme pratiqué dans le pays.
Le temple bouddhique Dhammakaya, situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Bangkok, dans la province de Pathum Thani, est revenu récemment sous les feux de la rampe et dans les colonnes des journaux, en diffusant sur sa chaîne cablée et sur son site internet (www.dmc.tv) une bizarre série de sermons sur le thème « Où est Steve Jobs ? ». Comme le souligne Sanitsuda Ekkachai, dans le quotidien Bangkok Post, si cette ahurissante présentation – où l’on apprend que le fondateur d’Apple décédé l’an dernier est aujourd’hui un Thepphabhut Phumadeva (une divinité) de rang moyen, qui habite un immeuble de six étages fait d’argent et de cristal – venait d’un groupement marginal, on pourrait en rire et l’oublier. Mais la plaisanterie, ici, éprouve du mal à passer, quand on sait que le temple Dhammakaya est le mouvement bouddhique le plus riche et le plus influent du pays à l’heure actuelle. Dans son éditorial du 23 août, Sanitsuda Ekkachai, auteure d’un livre sur le bouddhisme thaïlandais, affirme que le mouvement Dhammakaya est sur le point de « prendre le contrôle du clergé bouddhique » de Thaïlande.
Cette mise en garde est peut-être un peu alarmiste, mais il est néanmoins sûr que le temple Dhammakaya, sérieusement ébranlé à la fin des années 1990 par des accusations de spoliation de terres et de distorsion des enseignements du Bouddha, a considérablement renforcé sa position. Le prince héritier de Thaïlande Vajiralongkorn n’a jamais hésité à s’afficher avec les leaders du mouvement. Le temple aurait aussi d’excellents contacts avec l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, exilé depuis 2008. Il s’est rangé du côté des Chemises rouges (adversaires de l’establishment traditionnel) dans la lutte actuelle pour déterminer l’orientation politique du royaume.
Il peut être utile de rappeler quelques données sur l’origine du temple Dhammakaya et sur son histoire pour replacer sa position de force actuelle dans un continuum. Le temple a été fondé en 1969 par une nonne et quelques étudiants qui étaient des disciples du célèbre bonze thaïlandais Phra Mongkol Thep Muni (ou Luang Po Sout) dont on peut voir le portrait dans de très nombreux magasins de Bangkok. Luang Po Sout, décédé en 1959, avait redécouvert une ancienne méthode de méditation, parmi les nombreuses existantes, qui consiste à visualiser une boule de cristal, ou parfois un bouddha de cristal, se déplaçant à l’intérieur de son corps. C’est la méthode Dhammakaya ( » le corps méthaphorique du Bouddha » ou « la collection des qualités du Bouddha », selon des historiens du bouddhisme), qui s’inspire de l’école bouddhique Mahayana et non du bouddhisme ancien Theravada, lequel est suivi par une majorité des Thaïlandais.
Relativement facile à mettre en œuvre, cette technique de méditation permet d’aboutir avec un entrainement sérieux à un état d’extase que les bonzes du temple disent être un premier pas vers le nirvana (ou nibhan en pali). Cette concrétisation du nirvana, qui est un état de non-existence selon le canon bouddhique, semble différer considérablement avec les enseignements du bouddhisme ancien. « Ils ont complétement dérivé par rapport à l’enseignement de Luang Po Sout. Maintenant, ils font dans la psychologie de masse », notait en 1995 l’universitaire Chatsumarn Kabilsingh, devenue depuis la première moine-femme de Thaïlande.
Quoiqu’il en soit, le temple Dhammakaya a très bien su remodeler le bouddhisme siamois pour créer une formule attractive pour les classes moyennes urbaines, notamment celles de Bangkok. Le haut niveau d’études des bonzes (80 % ont une licence), les équipements du temple – du parking géant souterrain aux supermarchés pour acheter les offrandes – et la gestion ordonnée des lieux (pas de chiens pouilleux ici) séduisent les familles bangkokiennes. Elles viennent, habillées de blanc, méditer le dimanche matin, avant leur sortie de l’après-midi. Surtout, le temple Dhammakaya insiste beaucoup sur les bénéfices matériels et psychologiques immédiats que l’on peut retirer de la méditation, laquelle n’est considérée dans le bouddhisme Theravada que comme un moyen pour accéder progressivement à la sagesse. Pour couronner le tout, des techniques agressives de marketing poussent les fidèles à effectuer d’importantes donations pour garantir leur karma. « Dhammakaya dit à la classe moyenne influencée par la globalisation qu’elle peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Le temple transforme le bouddhisme pour le rendre compatible avec le capitalisme et le consumérisme », expliquait en 1999 l’universitaire Suwanna Satha-Anand au New York Times.
De fait, les transformations apportées par Dhammakaya, qui est implanté dans une douzaine de pays dont les Etats-Unis et envisage de devenir « le centre mondial du bouddhisme », sont profondes. Elles pourraient même constituer les prémisses d’un nouveau mouvement bouddhique, à connotation matérialiste et missionnaire, comme cela a été le cas après les grandes scissions de l’histoire. Le Conseil des anciens, l’autorité ultime du bouddhisme thaïlandais, semble en tous les cas très hésitant à tancer le mouvement Dhammakaya sur les manquements à la discipline et les fautes. Les déclarations de Phra Dhammachayo, l’abbé de Dhammakaya, affirmant être la « tête de Bouddha » et posséder des pouvoirs surnaturels sont, par exemple, une des cinq infractions graves justifiant l’exclusion de la communauté monastique.
Max Constant (copyright: http://asie-info.fr)
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