Dans la nuit de mercredi à jeudi, les rebelles séparatistes musulmans du sud thaïlandais ont lancé une cinquantaine de raids éclairs contre des miliciens de villages dans les provinces de Yala, Pattani et Narathiwat. Une opération audacieuse, bien organisée et couronnée de succès : une centaine d’armes à feu ont été récupérées pour seulement deux rebelles abattus par les autorités. Cinq des miliciens qui ont résisté ont été tués. Vendredi, l’explosion de deux puissantes bombes ont fait dérailler le train reliant la frontière malaisienne à Bangkok. A ce jour, les violences dans le sud thaïlandais, qui ont démarré en janvier 2004, ont provoqué la mort de 1.100 personnes : militaires, policiers, rebelles, mais aussi enseignants, fonctionnaires de l’Etat, moines bouddhistes et simples villageois. Ces trois provinces frontalières de la Malaisie et quatre districts de la province de Songkla, plus au nord sont désormais zone de guerre civile.
Le mouvement d’insurrection est peu structuré, diffus, sans véritable leader ni revendications claires. Il s’agit d’une série de cellules autonomes composés de jeunes villageois musulmans galvanisés par le désir de vengeance et fanatisés par quelques professeurs de religion islamique. « Ils sont peut être 5.000 ou 6.000. Il est possible qu’il s’agisse de cellules indépendantes en discussion informelle les unes avec les autres. Il y a un mélange d’actions spontanées et d’actions planifiés », estime un conseiller auprès du Conseil National de Sécurité thaïlandais. Qui coordonne le réseau ? Personne ne semble le savoir, pas même les services thaïlandais de renseignements. Quelques vétérans des vieux groupes séparatistes (PULO, BRN-C et le plus récent GMIP) semblent jouer un rôle de conseillers, parfois de financiers. « Chaque pose de bombe est payé 10.000 bahts (200 euros) », affirme le colonel Songvit Noonpakdi, en charge d’une unité dans la province de Narathiwat. Ces jeunes sont souvent démunis de toutes ressources : l’argent, produit de l’extorsion ou versé par certains hommes d’affaires locaux, est une puissante motivation pour l’action violente.
Pour les analystes, il ne fait aucun doute que les insurgés du sud thaïlandais gagnent en professionnalisme. En avril 2004, ils avaient lancé une pitoyable série de raids à l’arme blanche contre des postes militaires et policiers : 107 militants avaient été abattus sous la mitraille en quelques minutes. Depuis, ils ont lancé des opérations de guérilla rurale et urbaine, comme l’assaut coordonné contre la ville de Yala le 14 juillet dernier. Les attentats à la bombe sont devenus quotidiens et sont causés par des engins explosifs de forte puissance, dissimulés dans des extincteurs ou des bouteilles de gaz, ce qui suggère que certains militants ont reçu une formation de base d’artificier.
Sur un plan idéologique, la lutte contre l’Etat thaïlandais découle plus d’une revendication nationaliste malaise – les habitants du sud sont de culture malaise, contrairement aux Thaïs bouddhistes qui sont la majorité de la population du royaume – que d’une inspiration salafiste. Certes, les militants enrobent leur vague revendication d’une coloration d’islam intégriste, mais c’est plus un effet de mode qu’un fondement de la lutte. La seule revendication qui ressort est celle du rétablissement du sultanat malais indépendant de Patani, annexé par le Siam au début du siècle. Il n’existe pour l’instant aucun signe tangible de liens entre les insurgés du sud thaïlandais et des groupes terroristes régionaux, comme la Jemaah Islamiyah,, ou internationaux ; comme Al-Qaeda. Mais, au plus les séparatistes font parler d’eux dans le domaine public, au plus est forte la chance pour que ces groupes s’intéressent au conflit.
Arnaud Dubus (RFI Internet)
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