Cette fois ci, j'étais bien décidé à tout faire pour avoir une contravention. Pas question de dire que je suis journaliste, ce qui, inévitablement entrainerait les policiers du poste de contrôle à me laisser partir sans sanction. Sur Rama IV, j'aperçois le barrage à environ 200 mètres, et, gêné par des voitures en stationnement illégal sur la voie de gauche, je m'engage, au guidon de ma Platinum 150 cc (nouveau carburateur et lumières de cylindre élargies), sur la voie du milieu. Tout va bien : un policier, masque anti-pollution sur le visage et vêtu de ces étonnants costumes caca d'oie cintrés qui leur moulent le thorax et les fesses, me fait signe de me ranger.
Je suis nerveux, je sais que cette fois ci il faudra aller plus loin que la fois précédente pour atteindre mon objectif, lequel n'est d'ailleurs pas très clair dans ma tête. Mes mains tremblent légèrement. "Permis !", me lance le policier. Je fais face et rétorque : "Nom, prénom, unité !". L'agent de l'Etat ne comprend pas. Il répéte "License, license", comme s'il me prenait pour un demeuré. Je lis son nom sur son badge que je saisis de la main. "Pas question de donner mon permis, agent Prasong Jampapeeng. Je veux connaître le nom de votre unité d'abord". Puis je dis, me dévoilant sans doute un peu trop tôt : "et je vous colle un procès au tribunal administratif". La notion de juridiction admnistrative semble planer très au dessus de l'agent Prasong, qui répéte : "ton permis !". De fureur, je jette mon casque dans la petite haie de troënne jaune vert qui borde Rama IV.
Il refuse de me donner le nom de son unité. Un officier vient à sa rescousse mais ne parvient pas à débloquer la situation. "Je ne donnerais pas mon permis tant que je n'aurais pas le nom de votre unité. J'en ai besoin pour vous intenter un procès", je persiste. Finalement, le second officier m'emméne voir son supérieur. Celui-ci, penché sur une table de camping établie sur le trottoir, note conscieusement sur un carnet les recettes de la journée. Avec le respect du à l'autorité, je lui dis : "Mr l'officier. Vos collègues m'ont arrêté car j'étais sur la voie du milieu. Mais je ne pouvais pas être sur la voie de gauche, car des voitures étaient en stationnement illégal". L'officier lance un regard perspicace. Il sent qu'il y a anguille sous roche. Il lâche tout de même : "la voie du milieu, c'est une infraction". Je triomphe. "Oui, je dis, c'est une infraction. Je suis parfaitement d'accord avec vous et je veux payer la contravention. Mais je veux le nom de votre unité, pour vous intenter un procès au tribunal administratif". Je me tourne vers l'agent Prasong : "De quoi as tu peur ? Pourquoi tu ne veux pas donner le nom de ton unité ? T'as honte ou quoi ?". Prasong est ngong. Dépassé. Ses capacités d'analyse saturées. Le processeur ne tourne pas assez vite.
L'officier supérieur calme le jeu. "Nous sommes de la police de la circulation, quartier central, Rama IV. Montrez votre permis". Je le montre et, comme je le craignais, il me dit : "c'est en régle, vous pouvez y aller". Cette fois je suis décidé à me battre pour avoir ma contravention. "Non, pas question. J'ai fait une infraction, vous devez me sanctionner. C'est votre devoir. Si la police ne fait pas son travail, que va-t-il advenir de la Nation ?". Je sens que l'affaire est perdue. L'officier commence à sourire. "Allez y. Je voulais juste contrôler votre permis. Tout est en règle". Je me bats avec l'énergie du désespoir. "Mr l'officier. S'il y a un gouvernement chemise rouge, tout le monde fera des infractions et, si la police ne fait pas son travail, ce sera la catastrophe. Le Premier ministre l'a dit : il faut suivre la loi. Strictement". C'est foutu. Mon jeu est définitivement dévoilé. Je suis le farang qui en sait trop. Je pars. L'agent Prasong est vexé, mais ne sait pas comment réagir. Je sers la main de l'officier, qui est maintenant très cordial. "Merci, je dis. C'était juste pour m'amuser".
Arnaud Dubus
Tuesday, July 06, 2010
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2 comments:
Tellement drole.. et tellement vrai !
bravo Arnaud
Fabuleux! Mais tu vas finir par l'avoir, ton PV.
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